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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/265

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d’armes et de pages. Nos murailles de quinze pieds d’épaisseur nous isoleront, nous serons dans la légende… Le soleil baisse derrière les coteaux, nous revenons d’une chasse, sur de grands chevaux blancs, parmi le respect des villages agenouillés. Le cor sonne, le pont-levis s’abaisse. Des rois, le soir, sont à notre table. La nuit, notre couche est sur une estrade, surmontée d’un dais, comme un trône. Des musiques jouent, lointaines, très douces, tandis que nous nous endormons aux bras l’un de l’autre, dans la pourpre et l’or.

Frémissante, elle souriait maintenant d’un orgueilleux plaisir, combattue d’une souffrance, qui revenait, l’envahissait, effaçant le sourire de sa bouche douloureuse. Et, comme de son geste machinal elle écartait les visions tentatrices, il redoubla de flamme, tâcha de la saisir, de la faire sienne, entre ses bras éperdus.

— Oh ! venez, oh ! soyez à moi… Fuyons, oublions tout dans notre bonheur.

Elle se dégagea brusquement, d’une révolte instinctive ; et, debout, ces mots jaillirent de ses lèvres :

— Non, non, je ne peux pas, je ne peux plus !

Pourtant, elle se lamentait, encore ravagée par la lutte, hésitante, bégayante.

— Je vous en prie, soyez bon, ne me pressez pas, attendez… Je voudrais tant vous obéir pour vous prouver que je vous aime, m’en aller à votre bras