Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/277

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fuir avec elle, et comment elle s’était refusée à le suivre, d’un renoncement et d’une chasteté de sainte. Ne serait-ce pas un meurtre, que de la laisser mourir, cette enfant obéissante, qui entendait ne le tenir que de la main de son père ? Lorsqu’elle pouvait l’avoir enfin, lui, son titre, sa fortune, elle avait crié non, elle s’était débattue, victorieuse d’elle-même. Et il l’aimait, à en mourir, lui aussi, il se méprisait de n’être point à son côté, pour s’éteindre ensemble, du même souffle ! Aurait-on la cruauté de vouloir leur fin misérable à tous deux ? Ah ! l’orgueil du nom, la gloire de l’argent, l’entêtement dans la volonté, est-ce que cela pesait, lorsqu’il n’y avait plus que deux heureux à faire ? Et il joignait, il tordait ses mains tremblantes, hors de lui, il exigeait un consentement, suppliant encore, menaçant déjà. Mais l’évêque ne se décida à ouvrir les lèvres que pour répondre par le mot de sa toute-puissance : Jamais !

Alors, Félicien, dans sa rébellion, avait déliré, perdant tout ménagement. Il parla de sa mère. C’était elle qui ressuscitait en lui, pour réclamer les droits de la passion. Son père ne l’avait donc pas aimée, il s’était donc réjoui de sa mort, qu’il se montrait si dur à ceux qui s’aimaient et qui voulaient vivre ? Mais il avait beau s’être glacé dans les renoncements du culte, elle reviendrait le hanter et le torturer, puisqu’il torturait l’enfant qu’elle avait eu de leur mariage. Elle était toujours, elle