Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/280

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agonisait, elle attendait l’extrême-onction, Dieu seul pouvait la sauver. Le jeune homme n’était venu que pour crier sa peine, rompre avec ce père abominable, lui jeter son meurtre au visage. Mais Monseigneur l’écoutait sans colère, les yeux éclairés brusquement d’un rayon, comme si une voix enfin avait parlé. Et il lui fit signe de marcher le premier, il le suivit, en disant :

— Si Dieu veut, je veux.

Félicien fut traversé d’un grand frisson. Son père consentait, déchargé de son vouloir, soumis à la bonne volonté du miracle. Eux n’étaient plus, Dieu agirait. Les larmes l’aveuglèrent, pendant que Monseigneur, à la sacristie, prenait les saintes huiles des mains de l’abbé Cornille. Il les accompagna, éperdu, il n’osa entrer dans la chambre, tombé à deux genoux sur le palier, devant la porte grande ouverte.

Pax huic domui.

Et omnibus habitantibus in ea.

Monseigneur venait de poser, sur la table blanche, entre les deux cierges, les saintes huiles en traçant dans l’air le signe de la croix, avec le vase d’argent. Il prit ensuite, des mains de l’abbé, le crucifix, et s’approcha de la malade, pour le lui faire baiser. Mais Angélique était toujours sans connaissance, les paupières closes, les mains raidies, pareille aux minces et rigides figures de pierre couchées sur les tombeaux. Un instant, il la regarda,