Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/288

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la poitrine, les reins et les pieds, que cette onction rachetait aussi, tout ce qui brûle et rugit dans la chair, nos colères, nos désirs, nos passions déréglées, les charniers où nous courons, les joies défendues dont crient nos membres. Et, depuis qu’elle était là, mourante de sa victoire, elle avait abattu sa violence, son orgueil et sa passion, comme si elle n’eût apporté le mal originel que pour la gloire d’en triompher. Et elle ne savait même pas qu’elle avait eu des désirs, que sa chair avait gémi d’amour, que le grand frisson de ses nuits pouvait être coupable, tellement elle était cuirassée d’ignorance, l’âme blanche, toute blanche.

L’abbé essuya les mains, fit disparaître le flocon d’ouate dans le dernier cornet de papier blanc, et brûla les cinq cornets, au fond du poêle.

La cérémonie était terminée, Monseigneur se lavait les doigts, avant de dire l’oraison finale. Il n’avait plus qu’à exhorter encore la mourante, en lui mettant au poing le cierge symbolique, pour chasser les démons et montrer qu’elle venait de recouvrer l’innocence baptismale. Mais elle était restée rigide, les yeux fermés, morte. Les saintes huiles avaient purifié son corps, les signes de croix laissaient leurs traces aux cinq fenêtres de l’âme, sans faire remonter aux joues une onde de vie. Imploré, espéré, le prodige ne s’était pas produit. Hubert et Hubertine, toujours agenouillés côte à