Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/289

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côte, ne priaient plus, regardaient de leurs yeux fixes, si ardemment qu’on les aurait dits tous les deux immobilisés à jamais, ainsi que ces figures de donataires qui attendent la résurrection, dans un coin d’ancien vitrail. Félicien s’était traîné sur les genoux, maintenant à la porte même, ayant cessé de sangloter, la tête droite, lui aussi, pour voir, enragé de la surdité de Dieu.

Une dernière fois, Monseigneur s’approcha du lit, suivi de l’abbé Cornille, qui tenait, tout allumé, le cierge qu’on devait mettre dans la main de la malade. Et l’évêque, s’entêtant à aller jusqu’au bout du rite, afin de laisser à Dieu le temps d’agir, prononça la formule :

Accipe lampadem ardentem, custodi unctionem tuam, ut cum Dominus ad judicandum venerit, possis occurrere ei cum omnibus sanctis, et vivas in sæcula sæculorum.

Amen, répandit l’abbé.

Mais, quand ils essayèrent d’ouvrir la main d’Angélique et de la serrer autour du cierge, la main inerte retomba sur la poitrine.

Alors, Monseigneur fut saisi d’un grand tremblement. C’était l’émotion, longtemps combattue, qui débordait en lui, emportant les dernières rigidités du sacerdoce. Il l’avait aimée, cette enfant, du jour où elle était venue sangloter à ses genoux. À cette heure, elle était pitoyable, avec cette pâleur du tombeau, d’une beauté si dou-