Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/296

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Alors, on vécut dans le tumulte, de grands préparatifs furent faits. Hubert, malgré sa tutelle officieuse, avait dû demander son consentement au directeur de l’Assistance publique qui représentait toujours le conseil de famille, Angélique n’étant point majeure ; et M. Grandsire, le juge de paix, s’était chargé de ces détails, afin d’en éviter le côté pénible à Félicien et à la jeune fille, Mais celle-ci ayant vu qu’on se cachait, se fit monter un jour son livret d’élève, désirant le remettre elle même à son fiancé. Elle était désormais en état d’humilité parfaite, elle voulait qu’il sût bien la bassesse d’où il la tirait, pour la hausser dans la gloire de son nom légendaire et de sa grande fortune. C’étaient ses parchemins, à elle, cette pièce administrative, cet écrou où il n’y avait qu’une date suivie d’un numéro. Elle le feuilleta une fois encore, puis le lui donna sans confusion, joyeuse de ce qu’elle n’était rien et de ce qu’il la faisait tout. Il en fut touché profondément, il s’agenouilla, lui baisa les mains avec des larmes, comme si ce fût elle qui lui eût fait l’unique cadeau, le royal cadeau de son cœur.

Les préparatifs, pendant deux semaines, occupèrent Beaumont, bouleversèrent la ville haute et la ville basse. Vingt ouvrières, disait-on, travaillaient nuit et jour au trousseau. La robe de noce, à elle seule, en occupait trois ; et il y aurait une corbeille d’un million, un flot de dentelles, de velours,