Aller au contenu

Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

désespérée, en craignant de ne pouvoir se tenir debout. Elle essayait, sentait plier ses jambes ; et, démentant la vaillante sérénité qu’elle montrait depuis des semaines, une angoisse affreuse, la dernière, cria de tout son être. Puis, dès qu’elle vit entrer Hubertine joyeuse, elle fut surprise de marcher, car ce n’étaient plus ses forces à elle, une aide sûrement lui venait de l’invisible, des mains amies la portaient. On l’habilla, elle ne pesait plus rien, elle était si légère, que, plaisantant, sa mère s’en étonnait, lui disait de ne pas bouger davantage, si elle ne voulait point s’envoler. Et, pendant toute la toilette, la petite maison fraîche des Hubert, vivant au flanc de la cathédrale, frissonna du souffle énorme de la géante, de ce qui déjà y bourdonnait de la cérémonie, l’activité fiévreuse du clergé, les volées des cloches surtout, un branle continu d’allégresse, dont vibraient les vieilles pierres.

Sur la ville haute, depuis une heure, les clochers sonnaient, comme aux grandes fêtes. Le soleil s’était levé radieux, une limpide matinée d’avril, une ondée de rayons printaniers, vivante des appels sonores qui avaient mis debout les habitants. Beaumont entier était en liesse pour le mariage de la petite brodeuse, que tous les cœurs épousaient. Ce beau soleil criblant les rues, c’était comme la pluie d’or, les aumônes des contes de fées, qui ruisselaient de ses mains frêles. Et, sous