Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’admirables tentures, emplies des meubles les plus précieux, un salon en vieilles tapisseries, un boudoir bleu, d’une douceur de ciel matinal, une chambre à coucher surtout, un nid de soie blanche et de dentelle blanche, rien que du blanc, léger, envolé, le frisson même de la lumière. Mais Angélique, qu’une voiture devait venir prendre, avait constamment refusé d’aller voir ces merveilles. Elle en écoutait le récit avec un sourire enchanté, et elle ne donnait aucun ordre, elle ne voulait point s’occuper de l’arrangement. Non, non, cela se passait très loin, dans cet inconnu du monde qu’elle ignorait encore. Puisque ceux qui l’aimaient lui préparaient ce bonheur, si tendrement, elle désirait y entrer, ainsi qu’une princesse, venue des pays chimériques, abordant au royaume réel, où elle régnerait. Et, de même, elle se défendait de connaître la corbeille, qui, elle aussi, était là-bas, le trousseau de linge fin, brodé à son chiffre de marquise, les toilettes de gala chargées de broderies, les bijoux anciens, tout un lourd trésor de cathédrale, et les joyaux modernes, des prodiges de monture délicate, des brillants dont la pluie ne montrait que leur eau pure. Il suffisait à la victoire de son rêve que cette fortune l’attendît chez elle, rayonnante dans la réalité prochaine de la vie. Seule, la robe de noce fut apportée, le matin du mariage.

Ce matin-là, éveillée avant les autres, dans son grand lit, Angélique eut une minute de défaillance