Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/44

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noir avec les mendiants, panse leurs plaies sans dégoût, porte leurs vêtements grossiers, dort sur la terre dure, suit les processions pieds nus. « Elle lavoit aucunes fois les escueles et les vaisseaulx de la cuysine, et se mussoit et cachoit que les chambrieres ne len détournassent, et disoit : Si je eusse trouve une autre vie plus despite, je leusse prinse. » De sorte qu’Angélique, raidie de colère autrefois, lorsqu’on lui faisait laver la cuisine, s’ingéniait maintenant à des besognes basses, quand elle se sentait tourmentée du besoin de domination. Enfin, plus que Catherine, plus qu’Élisabeth, plus que toutes, une sainte lui était chère, Agnès, l’enfant martyre. Son cœur tressaillait, en la retrouvant dans la Légende, cette vierge, vêtue de sa chevelure, qui l’avait protégée sous la porte de la cathédrale. Quelle flamme de pur amour ! comme elle repousse le fils du gouverneur qui l’accoste au sortir de l’école ! « Da ! hors de moy, pasteur de mort, commencement de peche et nourrissement de felonnie. » Comme elle célèbre l’amant ! « Jayme celluy duquel la mere est Vierge et le pere ne congneut oncque femme, de la beaulte duquel le soleil et lune sesmerveillent, par lodeur duquel les morts revivent. » Et, quand Aspasien commande qu’on lui mette « ung glayve parmy la gorge », elle monte au paradis s’unir à « son espoux blanc et vermeil ». Depuis quelques mois surtout, à des heures