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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/45

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troubles, lorsque des chaleurs de sang lui battaient les tempes, Angélique l’évoquait, l’implorait ; et, tout de suite, il lui semblait être rafraîchie. Elle la voyait continuellement à son entour, elle se désespérait de faire souvent, de penser des choses, dont elle la sentait fâchée. Un soir qu’elle se baisait les mains, ainsi qu’elle en prenait parfois encore le plaisir, elle devint brusquement très rouge et se tourna, confuse, bien qu’elle fût seule, ayant compris que la sainte l’avait vue. Agnès était la gardienne de son corps.

À quinze ans, Angélique fut ainsi une adorable fille. Certes, ni la vie cloîtrée et travailleuse, ni l’ombre douce de la cathédrale, ni la Légende aux belles saintes, n’avaient fait d’elle un ange, une créature d’absolue perfection. Toujours des fougues l’emportaient, des fautes se déclaraient, par des échappées imprévues, dans des coins d’âme qu’on avait négligé de murer. Mais elle se montrait si honteuse alors, elle aurait tant voulu être parfaite ! et elle était si humaine, si vivante, si ignorante et pure au fond ! En revenant d’une des grandes courses que les Hubert se permettaient deux fois l’an, le lundi de la Pentecôte et le jour de l’Assomption, elle avait arraché un églantier, puis s’était amusée à le replanter dans l’étroit jardin, Elle le taillait, l’arrosait ; il y repoussait plus droit, il y donnait des églantines plus larges, d’une odeur fine ; ce qu’elle guettait, avec sa passion habituelle, répugnant à le