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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/55

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menne-lourd, ébauchoirs de buis pour modeler les fils, à mesure qu’on les emploie. Sous la table de tilleul où l’on découpait, il y avait un grand dévidoir, dont les deux tourrettes d’osier, mobiles, tendaient un écheveau de laine rouge. Des colliers de bobines aux soies vives, enfilés dans une corde, pendaient près du bahut. Par terre, une corbeille était pleine de bobines vides. Une pelote de ficelle venait de tomber d’une chaise, déroulée.

— Ah ! le beau temps, le beau temps ! reprit Angélique. Cela fait plaisir de vivre.

Et, avant de se pencher sur son travail, elle s’oubliait encore un instant, devant la fenêtre ouverte, par laquelle entrait la radieuse matinée de mai. Un coin de soleil glissait du comble de la cathédrale, une odeur fraîche de lilas montait du jardin de l’Évêché. Elle souriait, éblouie, baignée de printemps. Puis, dans un sursaut, comme si elle se fût rendormie :

— Père, je n’ai pas d’or à passer.

Hubert, qui achevait de piquer le décalque d’un dessin de chape, alla chercher au fond du bahut un écheveau, le coupa, effila les deux bouts en égratignant l’or qui recouvrait la soie ; et il apporta l’écheveau, enfermé dans une torche de parchemin.

— C’est bien tout ?

— Oui, oui.

D’un coup d’œil, elle s’était assurée que rien ne manquait plus : les broches chargées des ors diffé-