Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/70

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Je l’aime, parce que c’est beau, parce que c’est riche, et que ça me tient chaud, il me semble, là, dans le cœur… Vous savez bien que je ne suis pas intéressée. L’argent, ah ! vous verriez ce que j’en ferais, de l’argent, si j’en avais beaucoup. Il en pleuvrait sur la ville, il en coulerait chez les misérables. Une vraie bénédiction, plus de misère ! D’abord, vous et père, je vous enrichirais, je voudrais vous voir avec des robes et des habits de brocart, comme une dame et un seigneur de l’ancien temps.

Hubertine haussa les épaules.

— Folle !… Mais, mon enfant, tu es pauvre, toi, tu n’auras pas un sou en mariage. Comment peux-tu rêver un prince ? Tu épouserais donc un homme plus riche que toi ?

— Comment si je l’épouserais !

Et elle avait un air de stupéfaction profonde.

— Ah ! oui, je l’épouserais ! … Puisqu’il aurait de l’argent, lui, à quoi bon en avoir, moi ? Je lui devrais tout, je l’aimerais bien plus.

Ce raisonnement victorieux enchanta Hubert. Il partait volontiers avec l’enfant, sur l’aile d’un nuage. Il cria :

— Elle a raison.

Mais sa femme lui jeta un coup d’œil mécontent. Elle devenait sévère.

— Ma fille, tu verras plus tard, tu connaîtras la vie.