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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/69

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retour, avec un point de soie. Le grand lis d’or, peu à peu, fleurissait.

— Oh ! ce que je voudrais, ce que je voudrais, ce serait d’épouser un prince… Un prince que je n’aurais jamais vu, qui viendrait un soir, au jour tombant, me prendre par la main et m’emmener dans un palais… Et ce que je voudrais, ce serait qu’il fût très beau, très riche, oh ! le plus beau, le plus riche que la terre eût jamais porté ! Des chevaux que j’entendrais hennir sous mes fenêtres, des pierreries dont le flot ruissellerait sur mes genoux, de l’or, une pluie, un déluge d’or, qui tomberait de mes deux mains, dès que je les ouvrirais… Et ce que je voudrais encore, ce serait que mon prince m’aimât à la folie, afin moi-même de l’aimer comme une folle ! Nous serions très jeunes, très purs et très nobles, toujours, toujours !

Hubert, abandonnant son métier, s’était approché en souriant ; tandis qu’Hubertine, amicale, menaçait la jeune fille du doigt.

— Ah ! vaniteuse, ah ! gourmande, tu es donc incorrigible ? Te voilà partie avec ton besoin d’être reine. Ce rêve-là, c’est moins vilain que de voler le sucre et de répondre des insolences. Mais, au fond, va ! le diable est dessous, c’est la passion, c’est l’orgueil qui parlent.

Gaiement, Angélique la regardait.

— Mère, mère, qu’est-ce que vous dîtes ?… Est-ce donc une faute, d’aimer ce qui est beau et riche ?