Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/75

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marier. Tes saintes, qui t’ont tourné la tête, ne se mariaient pas, elles. Plutôt que de s’y soumettre, elles convertissaient leurs fiancés, elles se sauvaient de chez leurs parents et se laissaient couper le cou.

La jeune fille écoutait, ébahie. Puis, elle éclata d’un grand rire. Toute sa santé, tout son amour de vivre, chantait dans cette gaieté sonore. Ça datait de si loin, les histoires des saintes ! Les temps avaient bien changé, Dieu triomphant ne demandait plus à personne de mourir pour lui. Dans la Légende, le merveilleux l’avait prise, plus que le mépris du monde et le goût de la mort. Ah ! oui, certes, elle voulait se marier, et aimer, et être aimée, et être heureuse !

— Méfie-toi ! poursuivit Hubertine, tu feras pleurer Agnès, ta gardienne. Ne sais-tu pas qu’elle refusa le fils du gouverneur et qu’elle préféra mourir, pour épouser Jésus ?

La grosse cloche de la tour se mit à sonner, un vol de moineaux s’envola d’un lierre énorme, qui encadrait, une des fenêtres de l’abside. Dans l’atelier, Hubert, toujours, muet, venait de pendre la bannière tendue, encore humide de colle, pour qu’elle séchât, à un des grands clous de fer scellés au mur. Le soleil, en tournant, se déplaçait, égayait les vieux outils, le diligent, les tourrettes d’osier, le tatignon de cuivre ; et, comme il gagnait les deux ouvrières, le métier où elles travaillaient