Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/94

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tinguait que les masses ténébreuses des vieux ormes de l’Évêché et de l’hôtel Voincourt. Seul, le vitrail de la chapelle luisait. Si personne ne devait venir, pourquoi donc son cœur battait-il ainsi, à larges coups ? C’était une attente qui datait de loin, du fond de sa jeunesse, une attenté qui avait grandi avec l’âge, pour aboutir à cette fièvre anxieuse de sa puberté. Rien ne l’aurait surprise, il y avait des semaines qu’elle entendait bruire des voix, dans ce coin de mystère peuplé de son imagination. La Légende y avait lâché son monde surnaturel de saints et de saintes, le miracle était prêt à y fleurir. Elle comprenait bien que tout s’animait, que les voix venaient des choses, jadis silencieuses, que les feuilles des arbres, les eaux de la Chevrote, les pierres de la cathédrale lui parlaient. Mais qui donc annonçait ainsi les chuchotements de l’invisible, que voulaient faire d’elle les forces ignorées, soufflant de l’au-delà et flottant dans l’air ? Elle restait les yeux sur les ténèbres, comme à un rendez-vous que personne ne lui avait donné, et elle attendait, elle attendait toujours, jusqu’à tomber de sommeil, tandis qu’elle sentait l’inconnu décider de sa vie, en dehors de son vouloir.

Pendant une semaine, Angélique pleura ainsi, dans la nuit sombre. Elle revenait là, et patientait. L’enveloppement, autour d’elle, continuait, augmentait chaque soir, comme si l’horizon se fût rétréci et l’eût oppressée. Les choses pesaient sur