Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/95

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son cœur, les voix maintenant bourdonnaient au fond de son crâne, sans qu’elle les entendît plus clairement. C’était une prise de possession lente, toute la nature, la terre avec le vaste ciel entrant dans son être. Au moindre bruit, ses mains brûlaient, ses yeux s’efforçaient de percer les ténèbres. Était-ce enfin le prodige attendu ? Non, rien encore, rien que le battement d’ailes d’un oiseau de nuit, sans doute. Et elle tendait de nouveau l’oreille, elle percevait jusqu’au bruissement diffèrent des feuilles, dans les ormes et dans les saules. Vingt fois, ainsi, un frisson la secoua toute, lorsqu’une pierre roulait dans le ruisseau ou qu’une bête rôdeuse glissait d’un mur. Elle se penchait, défaillante.

Rien, rien encore, Enfin, un soir qu’une obscurité plus chaude tombait du ciel sans lune, quelque chose commença. Elle craignit de se tromper, cela était si léger, presque insensible, un petit bruit, nouveau parmi les bruits qu’elle connaissait. Il tardait à se reproduire, elle retenait son haleine. Puis, il se fit entendre plus fort, toujours confus. Elle aurait dit le bruit lointain, à peine deviné, d’un pas, ce tremblement de l’air annonçant une approche, hors de la vue et des oreilles. Ce qu’elle attendait venait de l’invisible, sortait lentement de tout ce qui frissonnait à son entour. Pièce à pièce, cela se dégageait de son rêve, comme une réalisation des vagues souhaits de sa jeunesse.