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LE VENTRE DE PARIS.

— Moi, si j’étais vous, je ne resterais pas tranquille, je voudrais savoir… Pourquoi ne montez-vous pas regarder dans la chambre de votre beau-frère ?

Alors, Lisa eut un léger tressaillement. Elle lâcha la fourchette, examina la vieille d’un œil inquiet, croyant qu’elle pénétrait ses intentions. Mais celle-ci continua :

— C’est permis, après tout… Votre beau-frère vous mènerait trop loin, si vous le laissiez faire… Hier, on causait de vous, chez madame Taboureau. Vous avez là une amie bien dévouée. Madame Taboureau disait que vous étiez trop bonne, qu’à votre place elle aurait mis ordre à tout ça depuis longtemps.

— Madame Taboureau a dit cela, murmura la charcutière, songeuse.

— Certainement, et madame Taboureau est une femme que l’on peut écouter… Tâchez donc de savoir ce que c’est que les linges rouges. Vous me le direz ensuite, n’est-ce pas ?

Mais Lisa ne l’écoutait plus. Elle regardait vaguement les petits Gervais et les escargots, à travers les guirlandes de saucisses de l’étalage. Elle semblait perdue dans une lutte intérieure, qui creusait de deux minces rides son visage muet. Cependant, la vieille demoiselle avait mis son nez au-dessus des plats du comptoir. Elle murmurait, comme se parlant à elle-même :

— Tiens ! il y a du saucisson coupé… Ça doit sécher, du saucisson coupé à l’avance… Et ce boudin qui est crevé. Il a reçu un coup de fourchette, bien sûr. Il faudrait l’enlever, il salit le plat.

Lisa, toute distraite encore, lui donna le boudin et les ronds de saucisson, en disant :

— C’est pour vous, si ça vous fait plaisir.

Le tout disparut dans le cabas. Mademoiselle Saget était si bien habituée aux cadeaux qu’elle ne remerciait même