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LE VENTRE DE PARIS.

un brusque roulement de tambour éclatait à ses oreilles. Et elle descendit vivement, sans même s’attarder à lire les papiers étalés sur la table. Elle s’arrêta au premier étage, elle s’habilla.

À cette heure grave, la belle Lisa se coiffa soigneusement, d’une main calme. Elle était très-résolue, sans un frisson, avec une sévérité plus grande dans les yeux. Tandis qu’elle agrafait sa robe de soie noire, en tendant l’étoffe de toute la force de ses gros poignets, elle se rappelait les paroles de l’abbé Roustan. Elle s’interrogeait, et sa conscience lui répondait qu’elle allait accomplir un devoir. Quand elle mit sur ses larges épaules son châle tapis, elle sentit qu’elle faisait un acte de haute honnêteté. Elle se ganta de violet sombre, attacha à son chapeau une épaisse voilette. Avant de sortir, elle ferma le secrétaire à double tour, d’un air d’espoir, comme pour lui dire qu’il allait enfin pouvoir dormir tranquille.

Quenu étalait son ventre blanc sur le seuil de la charcuterie. Il fut surpris de la voir sortir en grande toilette, à dix heures du matin.

— Tiens, où vas-tu donc ? lui demanda-t-il.

Elle inventa une course avec madame Taboureau. Elle ajouta qu’elle passerait au théâtre de la Gaîté, pour louer des places. Quenu courut, la rappela, lui recommanda de prendre des places de face, pour mieux voir. Puis, comme il rentrait, elle se rendit à la station de voitures, le long de Saint-Eustache, monta dans un fiacre, dont elle baissa les stores, en disant au cocher de la conduire au théâtre de la Gaîté. Elle craignait d’être suivie. Quand elle eut son coupon, elle se fit mener au Palais-de-Justice. Là, devant la grille, elle paya et congédia la voiture. Et, doucement, à travers les salles et les couloirs, elle arriva à la préfecture de police.

Comme elle s’était perdue au milieu d’un tohu-bohu de