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Page:Emile Zola - Le Ventre de Paris.djvu/32

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LES ROUGON-MACQUART.

rue Montorgueil, où éclataient des bouts d’enseignes violentes, au pan coupé de la rue Montmartre, dont les balcons luisaient, chargés de lettres d’or. Et, quand il revenait au carrefour, il était sollicité par d’autres enseignes, des Droguerie et pharmacie, des Farines et légumes secs, aux grosses majuscules rouges ou noires, sur des fonds déteints. Les maisons des angles, à fenêtres étroites, s’éveillaient, mettaient, dans l’air large de la nouvelle rue du Pont-Neuf, quelques jaunes et bonnes vieilles façades de l’ancien Paris. Au coin de la rue Rambuteau, debout au milieu des vitrines vides du grand magasin de nouveautés, des commis bien mis, en gilet, avec leur pantalon collant et leurs larges manchettes éblouissantes, faisaient l’étalage. Plus loin, la maison Guillout, sévère comme une caserne, étalait délicatement, derrière ses glaces, des paquets dorés de biscuits et des compotiers pleins de petits-fours. Toutes les boutiques s’étaient ouvertes. Des ouvriers en blouses blanches, tenant leurs outils sous le bras, pressaient le pas, traversaient la chaussée.

Claude n’était pas descendu de son banc. Il se grandissait, pour voir jusqu’au fond des rues. Brusquement, il aperçut, dans la foule qu’il dominait, une tête blonde aux larges cheveux, suivie d’une petite tête noire, toute crépue et ébouriffée.

— Eh ! Marjolin ! eh ! Cadine ! cria-t-il.

Et, comme sa voix se perdait au milieu du brouhaha, il sauta à terre, il prit sa course. Puis, il songea qu’il oubliait Florent ; il revint d’un saut ; il dit rapidement :

— Vous savez, au fond de l’impasse des Bourdonnais… Mon nom est écrit à la craie sur la porte, Claude Lantier… Venez voir l’eau-forte de la rue Pirouette.

Il disparut. Il ignorait le nom de Florent ; il le quittait comme il l’avait pris, au bord d’un trottoir, après lui avoir expliqué ses préférences artistiques.