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LES ROUGON-MACQUART.

dans le châle. Elle se débattait, elle disait d’une voix suffoquée :

— Pour qui donc me prend-on !… Ce Florent n’est jamais entré ici, entendez-vous. Il n’y a rien eu entre nous. On cherche à me faire du tort dans le quartier, mais qu’on vienne me dire quelque chose en face, vous verrez. On me mettra en prison, après ; ça m’est égal… Ah bien ! Florent, j’ai mieux que lui ! Je peux épouser qui je veux, je les ferai crever de rage, celles qui vous envoient.

Ce flot de paroles la calmait. Sa fureur se tournait contre Florent, qui était la cause de tout. Elle s’adressa au commissaire, se justifiant :

— Je ne savais pas, monsieur. Il avait l’air très-doux, il nous a trompées. Je n’ai pas voulu écouter ce qu’on disait, parce qu’on est si méchant… Il venait donner des leçons au petit, puis il s’en allait. Je le nourrissais, je lui faisais souvent cadeau d’un beau poisson. C’est tout… Ah ! non, par exemple, on ne me reprendra plus à être bonne comme ça !

— Mais, demanda le commissaire, il a dû vous donner des papiers à garder ?

— Non, je vous jure que non… Moi, ça me serait égal, je vous les remettrais, ces papiers. J’en ai assez, n’est-ce pas ? Ça ne m’amuse guère de vous voir tout fouiller… Allez, c’est bien inutile.

Les agents, qui avaient visité chaque meuble, voulurent alors pénétrer dans le cabinet où Muche couchait. Depuis un instant, on entendait l’enfant, réveillé par le bruit, qui pleurait à chaudes larmes, en croyant sans doute qu’on allait venir l’égorger.

— C’est la chambre du petit, dit la Normande en ouvrant la porte.

Muche, tout nu, courut se pendre à son cou. Elle le consola, le coucha dans son propre lit. Les agents ressortirent presque aussitôt du cabinet, et le commissaire se décidait à se