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LE VENTRE DE PARIS.

ments aux coins des lèvres. Comme son beau-frère hésitait :

— Il n’y a pas cinq minutes que nous sommes là, dit nettement madame Lecœur. Il aura passé auparavant.

— Alors, je monte, je risque les cinq étages, reprit Gavard en riant.

La Sarriette fit un mouvement, comme pour l’arrêter ; mais sa tante lui prit le bras, la ramena, en lui soufflant à l’oreille :

— Laisse donc, grande bête ! C’est bien fait pour lui. Ça lui apprendra à nous marcher dessus.

— Il n’ira plus dire que je mange de la viande gâtée, murmura plus bas encore mademoiselle Saget.

Puis, elles n’ajoutèrent rien. La Sarriette était très-rouge ; les deux autres restaient toutes jaunes. Elles tournaient la tête maintenant, gênées par leurs regards, embarrassées de leurs mains, qu’elles cachèrent sous leurs tabliers. Leurs yeux finirent par se lever instinctivement sur la maison, suivant Gavard à travers les pierres, le voyant monter les cinq étages. Quand elles le crurent dans la chambre, elles s’examinèrent à nouveau, avec des coups d’œil de côté. La Sarriette eut un rire nerveux. Il leur sembla un instant que les rideaux de la fenêtre remuaient, ce qui les fit croire à quelque lutte. Mais la façade de la maison gardait sa tranquillité tiède ; un quart d’heure s’écoula, d’une paix absolue, pendant lequel une émotion croissante les prit à la gorge. Elles défaillaient, lorsqu’un homme, sortant de l’allée, courut enfin chercher un fiacre. Cinq minutes plus tard, Gavard descendait, suivi de deux agents. Lisa, qui était venue sur le trottoir, en apercevant le fiacre, se hâta de rentrer dans la charcuterie.

Gavard était blême. En haut, on l’avait fouillé, on avait trouvé sur lui son pistolet et sa boîte de cartouches. À la rudesse du commissaire, au mouvement qu’il venait de faire en entendant son nom, il se jugeait perdu. C’était un dénoû-