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LES ROUGON-MACQUART.

— Tiens ! dit la vieille, nous revenons au bon moment, voilà le Florent qui va se faire pincer.

Florent, en effet, rentrait de sa longue course. Il alla changer de paletot dans son bureau, se mit à sa besogne quotidienne, surveillant le lavage des pierres, se promenant lentement le long des allées. Il lui sembla qu’on le regardait singulièrement ; les poissonnières chuchotaient sur son passage, baissaient le nez, avec des yeux sournois. Il crut à quelque nouvelle vexation. Depuis quelque temps, ces grosses et terribles femmes ne lui laissaient pas une matinée de repos. Mais comme il passait devant le banc des Méhudin, il fut très-surpris d’entendre la mère lui dire d’une voix doucereuse :

— Monsieur Florent, il y a quelqu’un qui est venu vous demander tout à l’heure. C’est un monsieur d’un certain âge. Il est monté vous attendre dans votre chambre.

La vieille poissonnière, tassée sur une chaise, goûtait, à dire ces choses, un raffinement de vengeance qui agitait d’un tremblement sa masse énorme. Florent, doutant encore, regarda la belle Normande. Celle-ci, remise complétement avec sa mère, ouvrait un robinet, tapait ses poissons, paraissait ne pas entendre.

— Vous êtes bien sûre ? demanda-t-il.

— Oh ! tout à fait sûre, n’est-ce pas, Louise ? reprit la vieille d’une voix plus aiguë.

Il pensa que c’était sans doute pour la grande affaire, et il se décida à monter. Il allait sortir du pavillon, lorsque, en se retournant machinalement, il aperçut la belle Normande qui le suivait des yeux, la face toute grave. Il passa à côté des trois commères.

— Vous avez remarqué, murmura mademoiselle Saget, la charcuterie est vide. La belle Lisa n’est pas une femme à se compromettre.

C’était vrai, la charcuterie était vide. La maison gardait