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Page:Emile Zola - Le Ventre de Paris.djvu/82

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LES ROUGON-MACQUART.

J’aime mieux quelque chose que je ne sois pas même obligée de faire chauffer.

Elle s’était tournée du côté de Florent, elle le regardait, elle regardait Gavard, qui battait la retraite du bout de ses doigts, sur la table de marbre ; et elle les invitait d’un sourire à continuer la conversation.

— Pourquoi n’achetez-vous pas un morceau de petit salé ? demanda Lisa.

— Un morceau de petit salé, oui, tout de même…

Elle prit la fourchette à manche de métal blanc posée au bord du plat, chipotant, piquant chaque morceau de petit salé. Elle donnait de légers coups sur les os pour juger de leur épaisseur, les retournait, examinait les quelques lambeaux de viande rose, en répétant :

— Non, non, ça ne me dit pas.

— Alors, prenez une langue, un morceau de tête de cochon, une tranche de veau piqué, dit la charcutière patiemment.

Mais mademoiselle Saget branlait la tête. Elle resta là encore un instant, faisant des mines dégoûtées au-dessus des plats ; puis, voyant que décidément on se taisait et qu’elle ne saurait rien, elle s’en alla, en disant :

— Non, voyez-vous, j’avais envie d’une côtelette panée, mais celle qui vous reste est trop grasse… Ce sera pour une autre fois.

Lisa se pencha pour la suivre du regard, entre les crépines de l’étalage. Elle la vit traverser la chaussée et entrer dans le pavillon aux fruits.

— La vieille bique ! grogna Gavard.

Et, comme ils étaient seuls, il raconta quelle place il avait trouvée pour Florent. Ce fut toute une histoire. Un de ses amis, monsieur Verlaque, inspecteur à la marée, était tellement souffrant, qu’il se trouvait forcé de prendre un congé. Le matin même, le pauvre homme lui disait qu’il