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LE VENTRE DE PARIS.

serait bien aise de proposer lui-même son remplaçant, pour se ménager la place, s’il venait à guérir.

— Vous comprenez, ajouta Gavard, Verlaque n’en a pas pour six mois. Florent gardera la place. C’est une jolie situation… Et nous mettons la police dedans ! La place dépend de la préfecture. Hein ! sera-ce assez amusant, quand Florent ira toucher l’argent de ces argousins !

Il riait d’aise, il trouvait cela profondément comique.

— Je ne veux pas de cette place, dit nettement Florent. Je me suis juré de ne rien accepter de l’empire. Je crèverais de faim, que je n’entrerais pas à la préfecture. C’est impossible, entendez-vous, Gavard !

Gavard entendait et restait un peu gêné. Quenu avait baissé la tête. Mais Lisa s’était tournée, regardait fixement Florent, le cou gonflé, la gorge crevant le corsage. Elle allait ouvrir la bouche, quand la Sarriette entra. Il y eut un nouveau silence.

— Ah bien ! s’écria la Sarriette avec son rire tendre, j’allais oublier d’acheter du lard… Madame Quenu, coupez-moi douze bardes, mais bien minces, n’est-ce pas ? pour des alouettes… C’est Jules qui a voulu manger des alouettes… Tiens, vous allez bien, mon oncle ?

Elle emplissait la boutique de ses jupes folles. Elle souriait à tout le monde, d’une fraîcheur de lait, décoiffée d’un côté par le vent des Halles. Gavard lui avait pris les mains ; et elle, avec son effronterie :

— Je parie que vous parliez de moi, quand je suis entrée. Qu’est-ce que vous disiez donc, mon oncle ?

Lisa l’appela.

— Voyez, est-ce assez mince comme cela ?

Sur un bout de planche, devant elle, elle coupait les bardes, délicatement. Puis, en les enveloppant :

— Il ne vous faut rien autre chose ?

— Ma foi, puisque je me suis dérangée, dit la Sarriette,