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Page:Emile Zola - Le Ventre de Paris.djvu/85

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LE VENTRE DE PARIS.

pêche pas de gagner son pain, ce serait trop bête… Et puis, l’empereur n’est pas un méchant homme, mon cher. Je vous laisse dire quand vous racontez vos souffrances. Est-ce qu’il le savait seulement, lui, si vous mangiez du pain moisi et de la viande gâtée ? Il ne peut pas être à tout, cet homme… Vous voyez que, nous autres, il ne nous a pas empêchés de faire nos affaires… Vous n’êtes pas juste, non, pas juste du tout.

Gavard était de plus en plus gêné. Il ne pouvait tolérer devant lui ces éloges de l’empereur.

— Ah ! non, non, madame Quenu, murmura-t-il, vous allez trop loin. C’est tout de la canaille…

— Oh ! vous, interrompit la belle Lisa en s’animant, vous ne serez content que le jour où vous vous serez fait voler et massacrer avec vos histoires. Ne parlons pas politique, parce que ça me mettrait en colère… Il ne s’agit que de Florent, n’est-ce pas ? Eh bien, je dis qu’il doit absolument accepter la place d’inspecteur. Ce n’est pas ton avis, Quenu ?

Quenu, qui ne soufflait mot, fut très-ennuyé de la question brusque de sa femme.

— C’est une bonne place, dit-il sans se compromettre.

Et, comme un nouveau silence embarrassé se faisait :

— Je vous en prie, laissons cela, reprit Florent. Ma résolution est bien arrêtée. J’attendrai.

— Vous attendrez ! s’écria Lisa perdant patience.

Deux flammes roses étaient montées à ses joues. Les hanches élargies, plantée debout dans son tablier blanc, elle se contenait pour ne pas laisser échapper une mauvaise parole. Une nouvelle personne entra, qui détourna sa colère. C’était madame Lecœur.

— Pourriez-vous me donner une assiette assortie d’une demi-livre, à cinquante sous la livre ? demanda-t-elle.

Elle feignit d’abord de ne pas voir son beau-frère ; puis, elle le salua d’un signe de tête, sans parler. Elle examinait