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LE VENTRE DE PARIS.

frère est toujours fourré dans leur boutique… Vous l’avez vu, n’est-ce pas ?

— Oh ! de mes yeux vu ! Il était assis sur une table. Il semblait chez lui.

— Moi, interrompit la Sarriette, je n’ai rien entendu de mal… Je ne sais pas pourquoi vous vous montez la tête.

Mademoiselle Saget haussa les épaules.

— Ah ! bien, reprit-elle, vous êtes encore d’une bonne pâte, vous, ma belle !… Vous ne voyez donc pas pourquoi les Quenu attirent monsieur Gavard ?… Je parie, moi, qu’il laissera tout ce qu’il possède à la petite Pauline.

— Vous croyez cela ! s’écria madame Lecœur, blême de fureur.

Puis, elle reprit d’une voix dolente, comme si elle venait de recevoir un grand coup :

— Je suis toute seule, je n’ai pas de défense, il peut bien faire ce qu’il voudra, cet homme… Vous avez entendu, sa nièce est pour lui. Elle a oublié ce qu’elle m’a coûté, elle me livrerait pieds et poings liés.

— Mais non, ma tante, dit la Sarriette, c’est vous qui n’avez jamais eu que de vilaines paroles pour moi.

Elles se réconcilièrent sur-le-champ, elles s’embrassèrent. La nièce promit de ne plus être taquine ; la tante jura, sur ce qu’elle avait de plus sacré, qu’elle regardait la Sarriette comme sa propre fille. Alors mademoiselle Saget leur donna des conseils sur la façon dont elles devaient se conduire pour forcer Gavard à ne pas gaspiller son bien. Il fut convenu que les Quenu-Gradelle étaient des pas grand’chose, et qu’on les surveillerait.

— Je ne sais quel micmac il y a chez eux, dit la vieille fille, mais ça ne sent pas bon… Ce Florent, ce cousin de madame Quenu, qu’est-ce que vous en pensez, vous autres ?

Les trois femmes se rapprochèrent, baissant la voix.

— Vous savez bien, reprit madame Lecœur, que nous