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LES ROUGON-MACQUART

M. Vabre le regarda, plein de surprise.

— Mais non, je n’ai pas besoin de voir les tableaux. Il s’agit d’un travail de statistique… Tenez ! il vaut mieux que je me couche, j’aurai la tête plus libre demain. Bonsoir, monsieur.

Il s’appuya sur une canne, qu’il gardait même dans l’appartement, et se retira d’une marche pénible, les reins déjà gagnés par la paralysie. M. Josserand restait perplexe : il n’avait pas très bien compris, il craignait de ne pas avoir parlé des fiches avec assez d’enthousiasme.

Mais un léger brouhaha qui vint du grand salon, ramena Trublot et Octave près de la porte. Ils virent entrer une dame d’environ cinquante ans, très forte et encore belle, suivie par un jeune homme correct, l’air sérieux.

— Comment ! ils arrivent ensemble ! murmura Trublot. Eh bien ! ne vous gênez plus !

C’étaient madame Dambreville et Léon Josserand. Elle devait le marier ; puis, elle l’avait gardé pour son usage, en attendant ; et ils étaient en pleine lune de miel, ils s’affichaient dans les salons bourgeois. Des chuchotements coururent parmi les mères ayant des filles à caser. Mais madame Duveyrier s’avançait au-devant de madame Dambreville, qui lui fournissait des jeunes gens pour ses chœurs. Tout de suite, madame Josserand la lui enleva et la combla d’amitiés, réfléchissant qu’elle pouvait avoir besoin d’elle. Léon échangea un mot froid avec sa mère ; pourtant, depuis sa liaison, celle-ci commençait à croire qu’il ferait tout de même quelque chose.

— Berthe ne vous voit pas, dit-elle à madame Dambreville. Excusez-la, elle est en train d’indiquer un remède à monsieur Auguste.

— Mais ils sont très bien ensemble, il faut les laisser,