Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
POT-BOUILLE

répondit la dame, qui comprenait, sur un coup d’œil.

Toutes deux, maternellement, regardèrent Berthe. Elle avait fini par pousser Auguste dans l’embrasure de la fenêtre, où elle l’enfermait de ses jolis gestes. Il s’animait, il risquait la migraine.

Cependant, un groupe d’hommes graves causaient politique, dans le petit salon. La veille, à propos des affaires de Rome, il y avait eu une séance orageuse au Sénat, où l’on discutait l’adresse ; et le docteur Juillerat, d’opinion athée et révolutionnaire, soutenait qu’il fallait donner Rome au roi d’Italie ; tandis que l’abbé Mauduit, une des têtes du parti ultramontain, prévoyait les plus sombres catastrophes, si la France ne versait pas jusqu’à la dernière goutte de son sang, pour le pouvoir temporel des papes.

— Peut-être trouverait-on encore un modus vivendi acceptable de part et d’autre, fit remarquer Léon Josserand, qui arrivait.

Il était alors secrétaire d’un avocat célèbre, député de la gauche. Pendant deux années, n’ayant à espérer aucune aide de ses parents, dont la médiocrité d’ailleurs l’enrageait, il avait promené sur les trottoirs du quartier latin une démagogie féroce. Mais, depuis son entrée chez les Dambreville, où il apaisait ses premières faims, il se calmait, il tournait au républicain doctrinaire.

— Non, il n’y a pas d’accord possible, dit le prêtre. L’Église ne saurait transiger.

— Alors, elle disparaîtra ! s’écria le docteur.

Et, bien que très liés, s’étant rencontrés au chevet des agonisants de tout le quartier Saint-Roch, ils paraissaient irréconciliables, le médecin maigre et nerveux, le vicaire gras et affable. Ce dernier gardait un sourire poli, même dans ses affirmations les plus abso-