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LES ROUGON-MACQUART

famille Vabre. Bientôt, il ne resta plus, au milieu de la débandade des sièges, que le groupe des hommes sérieux. Campardon s’était emparé de l’abbé Mauduit : il s’agissait d’une réparation au Calvaire de Saint-Roch. L’architecte se disait tout prêt, car son diocèse d’Évreux lui donnait peu de besogne. Il avait simplement, là-bas, la construction d’une chaire et l’installation d’un calorifère et de nouveaux fourneaux dans les cuisines de monseigneur, travaux que son inspecteur suffisait à surveiller. Alors, le prêtre promit d’enlever définitivement l’affaire, dès sa prochaine réunion de la fabrique. Et ils rejoignirent tous deux le groupe, où l’on complimentait Duveyrier sur la rédaction d’un arrêt, dont il s’avouait l’auteur ; le président, qui était son ami, lui réservait certaines besognes aisées et brillantes, pour le mettre en vue.

— Avez-vous lu ce nouveau roman ? demanda Léon, en train de feuilleter un exemplaire de la Revue des deux mondes, traînant sur une table. Il est bien écrit ; mais encore un adultère, ça finit vraiment par être fastidieux !

Et la conversation tomba sur la morale. Il y avait des femmes très honnêtes, dit Campardon. Tous approuvèrent. D’ailleurs, selon l’architecte, on s’arrangeait quand même, dans un ménage, lorsqu’on savait s’entendre. Théophile Vabre fit remarquer que cela dépendait de la femme, sans s’expliquer davantage. On voulut avoir l’avis du docteur Juillerat, qui souriait ; mais il s’excusa : lui, mettait la vertu dans la santé. Cependant, Duveyrier restait songeur.

— Mon Dieu ! murmura-t-il enfin, ces auteurs exagèrent, l’adultère est très rare parmi les classes bien élevées… Une femme, lorsqu’elle est d’une bonne famille, a dans l’âme une fleur…

Il était pour les grands sentiments, il prononçait le