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Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/121

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POT-BOUILLE

mot d’idéal avec une émotion qui lui voilait le regard. Et il donna raison à l’abbé Mauduit, quand ce dernier parla de la nécessité des croyances religieuses, chez l’épouse et chez la mère. La conversation fut ainsi ramenée vers la religion et la politique, au point où ces messieurs l’avaient laissée. Jamais l’Église ne disparaîtrait, parce qu’elle était la base de la famille, comme elle était le soutien naturel des gouvernements.

— À titre de police, je ne dis pas, murmura le docteur.

Duveyrier n’aimait point, du reste, qu’on parlât politique chez lui, et il se contenta de déclarer sévèrement, en jetant un coup d’œil dans la salle à manger, où Berthe et Hortense bourraient Auguste de sandwichs :

— Il y a, messieurs, un fait prouvé qui tranche tout : la religion moralise le mariage.

Au même instant, Trublot, assis sur un canapé, près d’Octave, se penchait vers celui-ci.

— À propos, demanda-t-il, voulez-vous que je vous fasse inviter chez une dame où l’on s’amuse ?

Et, comme son compagnon désirait savoir quel genre de dame, il ajouta, en désignant d’un signe le conseiller à la cour :

— Sa maîtresse.

— Pas possible ! dit Octave stupéfait.

Trublot ouvrit et referma lentement les paupières. C’était comme ça. Quand on épousait une femme pas complaisante, dégoûtée des bobos qu’on pouvait avoir, et tapant sur son piano à rendre malades tous les chiens du quartier, on allait en ville se faire ficher de soi !

— Moralisons le mariage, messieurs, moralisons le mariage, répétait Duveyrier de son air rigide, avec son visage enflammé, où Octave voyait maintenant le sang âcre des vices secrets.