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LES ROUGON-MACQUART

cheveux de femme nageait sur l’eau savonneuse ; et, devant l’habit noir encore pendu parmi des tabliers, il ne put retenir ce cri :

— Vous couchez donc avec la cuisinière !

— Mais non ! répondit Trublot effaré.

Puis, sentant la bêtise de ce mensonge, il se mit à rire de son air satisfait et convaincu.

— Hein ! elle est drôle !… Je vous assure, mon cher, c’est très chic !

Quand il dînait en ville, il s’échappait du salon pour aller pincer les cuisinières devant leurs fourneaux ; et, lorsqu’une d’elles voulait bien lui donner sa clef, il filait avant minuit, il montait l’attendre patiemment dans sa chambre, assis sur une malle, en habit noir et en cravate blanche. Le lendemain, il descendait par le grand escalier, vers dix heures, et passait devant les concierges, comme s’il avait rendu une visite matinale à quelque locataire. Pourvu qu’il fût à peu près exact chez son agent de change, son père était content. D’ailleurs, maintenant, il faisait la Bourse, de midi à trois heures. Le dimanche, il lui arrivait de rester la journée entière dans un lit de bonne, heureux, perdu, le nez au fond de l’oreiller.

— Vous qui devez être si riche un jour ! dit Octave, dont le visage gardait un air de dégoût.

Alors, Trublot déclara doctement :

— Mon cher, vous ne savez pas ce que c’est, n’en parlez pas.

Et il défendit Julie, une grande Bourguignonne de quarante ans, au large visage troué de petite vérole, mais qui avait un corps de femme superbe. On aurait pu déshabiller ces dames de la maison ; toutes des flûtes, pas une ne lui serait allée au genou. Avec ça, une fille parfaitement bien ; et, pour le prouver, il ouvrit des tiroirs, montra un chapeau, des bijoux, des chemises garnies