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LES ROUGON-MACQUART

— Laissez-moi tranquille, n’est-ce pas ? ou je vous arrose.

Mais les cris et les rires redoublèrent.

— T’as marié ta maîtresse, hier soir ? Hein ? c’est peut-être toi qui lui apprends à faire les hommes ?

— Ah ! la sans-cœur ! elle reste dans une boîte où l’on ne mange pas ! Vrai, c’est ça qui m’exaspère contre elle !… Trop bête, envoie-les donc coucher !

Des larmes étaient venues aux yeux d’Adèle.

— Vous ne savez que des sottises, bégaya-t-elle. Ce n’est pas ma faute, si je ne mange pas.

Et les voix grandissaient, des mots aigres commençaient à s’échanger entre Lisa et la nouvelle bonne, Françoise, qui prenait parti pour Adèle, lorsque celle-ci, oubliant les injures, cédant à l’instinct de l’esprit de corps, cria :

— Méfiance ! v’là madame !

Un silence de mort tomba. Toutes, brusquement, avaient replongé dans leur cuisine ; et il ne montait plus, du boyau noir de l’étroite cour, que la puanteur d’évier mal tenu, comme l’exhalaison même des ordures cachées des familles, remuées là par la rancune de la domesticité. C’était l’égout de la maison, qui en charriait les hontes, tandis que les maîtres traînaient encore leurs pantoufles, et que le grand escalier déroulait la solennité des étages, dans l’étouffement muet du calorifère. Octave se souvint de la bouffée de vacarme qu’il avait reçue au visage, chez les Campardon, le jour de son arrivée.

— Elles sont bien gentilles, dit-il simplement.

Et il se penchait à son tour, il regardait les murailles, comme vexé de ne pas avoir lu tout de suite au travers, derrière les faux-marbres et le carton-pâte luisant de dorure.

— Où diable les a-t-elle fourrés ? répétait Trublot qui