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LES ROUGON-MACQUART

M. Gourd se défiait, avait une moue méprisante ; d’autant plus qu’on ignorait ce que le ménage pouvait fabriquer là dedans, avec son air de n’avoir besoin de personne et d’être toujours parfaitement heureux. Ça ne lui paraissait pas naturel.

Octave ouvrait la porte du vestibule, lorsque Valérie rentra. Il s’effaça poliment, pour la laisser passer devant lui.

— Vous allez bien, madame ?

— Mais oui, monsieur, merci.

Elle était essoufflée, et pendant qu’elle montait, il regardait ses bottines boueuses, en songeant à ce déjeuner, la tête en bas et les jambes en l’air, dont avaient parlé les bonnes. Sans doute, elle était rentrée à pied, n’ayant pas trouvé de fiacre. Une odeur fade et chaude s’exhalait de ses jupes humides. La fatigue, une lassitude molle de toute sa chair, lui faisait par moments, malgré son effort, poser la main sur la rampe.

— Quelle vilaine journée, n’est-ce pas ? madame.

— Affreuse, monsieur… Et, avec ça, le temps est lourd.

Elle arrivait au premier, ils se saluèrent. Mais, d’un coup d’œil, il avait vu sa face meurtrie, ses paupières grosses de sommeil, ses cheveux dépeignés sous le chapeau rattaché à la hâte ; et, tout en continuant de monter, il réfléchissait, vexé, pris de colère. Alors, pourquoi pas avec lui ? Il n’était ni plus bête ni plus laid que les autres.

Au troisième, devant la porte de madame Juzeur, le souvenir de sa promesse de la veille s’éveilla. Une curiosité lui venait sur cette petite femme si discrète, aux yeux de pervenche. Il sonna. Ce fut madame Juzeur elle-même qui ouvrit.

— Ah ! cher monsieur, êtes-vous aimable !… Entrez donc.