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POT-BOUILLE

Lorsque le jeune homme eut rendu la clef au concierge, il tâcha de le faire causer.

— Elle a l’air bien comme il faut, dit-il. Qui est-ce ?

— C’est une dame, répondit M. Gourd.

Et il ne voulut rien ajouter. Mais il se montra plus expansif, sur le monsieur du troisième. Oh ! un homme de la meilleure société, qui avait loué cette chambre pour venir y travailler tranquille, une nuit par semaine.

— Tiens ! il travaille ! interrompit Octave. À quoi donc ?

— Il a bien voulu me confier son ménage, continua M. Gourd, sans paraître avoir entendu. Et, voyez-vous, il paie rubis sur l’ongle… Allez, monsieur, quand on fait un ménage, on sait vite si l’on a affaire à quelqu’un de propre. Celui-là, c’est tout ce qu’il y a de plus honnête : ça se voit à son linge.

Il fut obligé de se garer, Octave lui-même rentra un instant dans la loge, pour laisser passer la voiture des locataires du second, qui allaient au Bois. Les chevaux piaffaient, retenus par le cocher, les guides hautes ; et, lorsque le grand landau fermé roula sous la voûte, on aperçut, derrière les glaces, deux beaux enfants, dont les têtes souriantes cachaient les profils vagues du père et de la mère. M. Gourd s’était redressé, poli, mais froid.

— En voilà qui ne font pas beaucoup de bruit dans la maison, remarqua Octave.

— Personne ne fait de bruit, dit sèchement le concierge. Chacun vit comme il l’entend, voilà tout. Il y a des gens qui savent vivre, et il y a des gens qui ne savent pas vivre.

Les gens du second étaient jugés sévèrement, parce qu’ils ne fréquentaient personne. Ils semblaient riches, pourtant ; mais le mari travaillait dans des livres, et