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LES ROUGON-MACQUART

Dieu, tâchant avant tout d’étouffer le scandale, enveloppant l’assistance d’un geste de pitié et de désespoir, comme pour en dérober les hontes au ciel lui-même.

— Il est bon, le curé ! il ne sait pas ce que c’est ! murmura Théophile, dont ce sermon achevait de tourner la tête.

Valérie, qui gardait madame Juzeur près d’elle, par contenance, écouta avec émotion les paroles conciliantes que l’abbé Mauduit crut également devoir lui adresser. Puis, au moment où l’on sortait enfin de l’église, elle s’arrêta devant les deux pères, pour laisser Berthe passer au bras de son mari.

— Vous devez être satisfait, dit-elle à M. Josserand, voulant montrer sa liberté d’esprit. Je vous félicite.

— Oui, oui, déclara M. Vabre de sa voix pâteuse, c’est une bien grande responsabilité de moins.

Et, pendant que Trublot et Gueulin se multipliaient, afin de caser toutes les dames dans les voitures, madame Josserand, dont le châle arrêtait la circulation, s’entêta à rester la dernière sur le trottoir, pour étaler publiquement son triomphe de mère.

Le soir, le repas qui eut lieu à l’hôtel du Louvre, fut encore gâté par l’accident si malencontreux de Théophile. C’était une obsession, on en avait parlé toute l’après-midi, dans les voitures, en allant au bois de Boulogne ; et les dames concluaient toujours par cette idée que le mari aurait bien dû attendre le lendemain, pour trouver la lettre. D’ailleurs, il y avait uniquement à table les intimes des deux familles. La seule gaieté fut un toast de l’oncle Bachelard, que les Josserand n’avaient pu se dispenser d’inviter, malgré leur terreur. Il était en effet ivre dès le rôti, il leva son verre et s’embarqua dans une phrase : « Je suis heureux du bonheur que j’éprouve, » qu’il répéta, sans arriver à en sortir. On voulut bien sourire complaisam-