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Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/234

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LES ROUGON-MACQUART

Vers neuf heures, Octave trouva madame Duveyrier qui l’attendait, dans son grand salon blanc et or. Tout était prêt, le piano ouvert, les bougies allumées. Une lampe posée sur un guéridon, à côté de l’instrument, éclairait mal la pièce, dont une moitié restait obscure. En voyant la jeune femme seule, il crut devoir lui demander comment M. Duveyrier se portait. Elle répondit qu’il allait parfaitement ; ses collègues l’avaient chargé d’un rapport, dans une affaire très grave, et il était justement sorti pour se renseigner sur certains faits.

— Vous savez, cette affaire de la rue de Provence, dit-elle avec simplicité.

— Ah ! il s’en occupe ! s’écria Octave.

C’était un scandale qui passionnait Paris, toute une prostitution clandestine, des enfants de quatorze ans livrés à de hauts personnages. Clotilde ajouta :

— Oui, ça lui donne beaucoup de mal. Depuis quinze jours, ses soirées sont prises.

Il la regarda, sachant par Trublot que l’oncle Bachelard, ce jour-là, avait invité Duveyrier à dîner, et qu’on devait ensuite finir la soirée chez Clarisse. Mais elle était très sérieuse, elle parlait toujours de son mari avec gravité, contait de son grand air honnête des histoires extraordinaires, où elle expliquait pourquoi on ne le trouvait jamais au domicile conjugal.

— Dame ! il a charge d’âmes, murmura-t-il, gêné par son clair regard.

Elle lui paraissait très belle, seule dans l’appartement vide. Ses cheveux roux pâlissaient son visage un peu long, d’une obstination tranquille de femme cloîtrée au fond de ses devoirs ; et, vêtue de soie grise, la gorge et la taille sanglées dans un corset cuirassé de baleines, elle le traitait avec une amabilité sans chaleur, comme séparée de lui par un triple airain.