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XII


Un matin, comme Berthe se trouvait justement chez sa mère, Adèle vint dire d’un air effaré que monsieur Saturnin était là, avec un homme. Le docteur Chassagne, directeur de l’asile des Moulineaux, avait déjà plusieurs fois prévenu les parents qu’il ne pouvait garder leur fils, car il ne jugeait pas chez lui la folie assez caractérisée. Et, tout d’un coup, ayant eu connaissance de la signature arrachée par Berthe à son frère pour les trois mille francs, redoutant d’être compromis, il le renvoyait à la famille.

Ce fut une épouvante. Madame Josserand, qui craignait d’être étranglée, voulut causer avec l’homme. Celui-ci déclara simplement :

— Monsieur le directeur m’a dit de vous dire que lorsqu’on est bon pour donner de l’argent à ses parents, on est bon pour vivre chez eux.

— Mais il est fou, monsieur ! il va nous massacrer.

— Il n’est toujours pas fou pour signer ! répondit l’homme en s’en allant.

D’ailleurs, Saturnin rentrait d’un air tranquille, les mains dans les poches, comme s’il revenait d’une promenade aux Tuileries. Il n’ouvrit même pas la bouche