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Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/293

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POT-BOUILLE

un conseil tenu au bout de la rue. Elle daigna même expliquer leur retard, par une flânerie aux vitrines des magasins. D’ailleurs, Auguste, très pâle, ne lâcha pas une plainte ; il répondait d’un ton sec, il se contentait et attendait, visiblement. Un instant encore, la mère, qui sentait l’orage avec sa grande habitude des querelles du traversin, tâcha de l’intimider ; puis, elle dut monter, elle se contenta de dire :

— Bonsoir, ma fille. Et dors bien, n’est-ce pas ? si tu veux vivre longtemps.

Tout de suite, Auguste à bout de force, oubliant la présence d’Octave et de Saturnin, tira de sa poche un papier froissé, qu’il mit sous le nez de Berthe, en bégayant :

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

Berthe n’avait pas même retiré son chapeau. Elle devint très rouge.

— Ça ? dit-elle, eh bien ! c’est une facture.

— Oui, une facture ! et pour des faux cheveux encore ! S’il est permis, pour des cheveux ! comme si vous n’en aviez plus sur la tête… Mais ce n’est pas ça. Vous l’avez payée, cette facture ; dites, avec quoi l’avez-vous payée ?

La jeune femme, de plus en plus troublée, finit par répondre :

— Avec mon argent, pardi !

— Votre argent ! mais vous n’en avez pas. Il faut qu’on vous en ait donné ou que vous en ayez pris ici… Et puis, tenez ! je sais tout, vous faites des dettes… Je tolérerai ce que vous voudrez ; mais pas de dettes, entendez-vous, pas de dettes ! jamais !

Et il mettait, dans ce cri, son horreur de garçon prudent, son honnêteté commerciale qui consistait à ne rien devoir. Longtemps, il se soulagea, reprochant à sa femme ses sorties continuelles, ses visites aux quatre