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POT-BOUILLE

Enfin, Auguste put expliquer ses griefs. Il revint sur les sorties continuelles, les toilettes, s’enhardit même jusqu’à condamner l’éducation donnée à Berthe. Madame Josserand l’écoutait d’un air d’absolu mépris. Puis, quand il eut terminé :

— Ça ne mérite pas de réponse, tant c’est bête, mon cher. J’ai ma conscience pour moi, ça me suffit… Un homme à qui j’ai confié un ange ! Je ne me mêle plus de rien, puisqu’on m’insulte. Arrangez-vous.

— Mais votre fille finira par me tromper, madame ! s’écria Auguste, repris de colère.

Madame Josserand qui partait se retourna, le regarda en face.

— Monsieur, vous faites tout ce qu’il faut pour ça !

Et elle rentra dans sa chambre, avec une dignité de Cérès colossale, aux triples mamelles, et drapée de blanc.

Le père garda Auguste quelques minutes encore. Il fut conciliant, laissa entendre qu’avec les femmes il valait mieux tout supporter, finit par le renvoyer calmé, résolu au pardon. Mais, quand il se retrouva seul dans la salle à manger, devant sa petite lampe, le bonhomme se mit à pleurer. C’était fini, il n’y avait plus de bonheur, jamais il ne trouverait le temps de faire assez de bandes, la nuit, pour aider sa fille en cachette. L’idée que cette enfant pouvait s’endetter, l’accablait comme d’une honte personnelle. Et il se sentait malade, il venait de recevoir un nouveau coup, la force lui manquerait un de ces soirs. Enfin, péniblement, renfonçant ses larmes, il travailla.

En bas, dans la boutique, Berthe était demeurée un instant immobile, le visage entre les mains. Un garçon, après avoir mis les volets, venait de redescendre dans le sous-sol. Alors, Octave crut devoir s’approcher de la jeune femme. Dès le départ du mari, Saturnin lui