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LES ROUGON-MACQUART

avait fait de grands gestes, par-dessus la tête de sa sœur, comme pour l’inviter à la consoler. Maintenant, il rayonnait, il multipliait les clins d’yeux ; et, craignant de ne pas être compris, il accentuait ses conseils en envoyant des baisers dans le vide, avec une effusion débordante d’enfant.

— Comment ! tu veux que je l’embrasse ? demanda Octave par signes.

— Oui, oui, répondit le fou, d’un hochement de menton enthousiaste.

Et, lorsqu’il vit le jeune homme souriant devant sa sœur, qui ne s’était aperçue de rien, il s’assit par terre, derrière un comptoir, ne voulant pas les gêner, se cachant. Les becs de gaz brûlaient encore, la flamme haute, dans le grand silence du magasin fermé. C’était une paix morte, un étouffement où les pièces de soie mettaient l’odeur fade de leur apprêt.

— Madame, je vous en prie, ne vous faites pas tant de peine, dit Octave, de sa voix caressante.

Elle eut un tressaillement, en le trouvant si près d’elle.

— Je vous demande pardon, monsieur Octave. Ce n’est pas ma faute, si vous avez assisté à cette explication pénible. Et je vous prie d’excuser mon mari, car il devait être malade, ce soir… Vous savez, dans tous les ménages, il y a de petites contrariétés…

Des sanglots l’étranglèrent. La seule idée d’atténuer les torts de son mari pour le monde, avait déterminé une crise de larmes abondantes, qui la détendait. Saturnin montra sa tête inquiète au ras du comptoir ; mais il replongea aussitôt, quand il vit Octave se décider à prendre la main de sa sœur.

— Je vous en prie, madame, un peu de courage, disait ce dernier.

— Non, c’est plus fort que moi, balbutia-t-elle. Vous