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LES ROUGON-MACQUART

— C’est assommant à la fin, si je ne peux plus vous adresser une observation, sans que celui-là se mette entre nous !… J’ai bien voulu l’accepter, mais qu’il me fiche la paix ! Encore un joli cadeau de votre mère ! elle en avait une peur de chien, et elle me l’a collé sur le dos, préférant me faire assommer à sa place. Merci !… Le voilà qui prend un couteau. Empêchez-le donc !

Berthe désarma son frère, le calma d’un regard, pendant que, très pâle, Auguste continuait à mâcher de sourdes paroles. Toujours les couteaux en l’air ! Un mauvais coup était si vite attrapé ; et, avec un fou, rien à faire, justice ne vous vengerait seulement pas ! Enfin, on ne se faisait point garder par un frère pareil, qui aurait réduit un mari à l’impuissance, même dans les cas de la plus légitime indignation, et jusqu’à le forcer à boire sa honte.

— Tenez ! monsieur, vous manquez de tact, déclara Berthe d’un ton dédaigneux. Un homme comme il faut ne s’explique pas dans une cuisine.

Elle se retira dans sa chambre, en refermant violemment les portes. Rachel s’était retournée vers sa rôtissoire, comme n’entendant plus la querelle de ses maîtres. Par excès de discrétion, en fille qui se tenait à sa place, même quand elle savait tout, elle ne regarda pas sortir madame ; et elle laissa monsieur piétiner un instant, sans hasarder le moindre jeu de physionomie. D’ailleurs, presque aussitôt, monsieur courut derrière madame. Alors, Rachel, impassible, put mettre le lapin au feu.

— Comprends donc, ma bonne amie, dit Auguste à Berthe, qu’il avait rattrapée dans la chambre, ce n’était pas pour toi que je parlais, c’était pour cette fille qui nous vole… Il faut bien les retrouver, ces vingt sous.

La jeune femme eut une secousse d’exaspération