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POT-BOUILLE

— Vous, je veux bien, dit-elle. Lui, non !

Elle marchait, emportée par la colère, allant du lit à la fenêtre, qui était restée ouverte. Et elle lâchait des paroles décousues : il ferait manger ses parents, s’il voulait ; oui, il leur expliquerait son absence, car elle ne se mettrait pas à table ; plutôt mourir ! D’ailleurs, elle préférait se coucher. Déjà, de ses mains fiévreuses, elle arrachait le couvre-pied, tapait les oreillers, ouvrait les draps, oubliant la présence d’Octave, au point qu’elle eut un geste, comme pour dégrafer sa robe. Puis, elle sauta à une autre idée.

— Croyez-vous ! il m’a battue, battue, battue !… Et parce que, honteuse d’aller toujours en guenilles, je lui demandais cinq cents francs !

Lui, debout au milieu de la chambre, cherchait des paroles de conciliation. Elle avait tort de se faire tant de mauvais sang. Tout s’arrangerait. Enfin, timidement, il risqua une offre.

— Si vous êtes embarrassée pour quelque payement, pourquoi ne vous adressez-vous pas à vos amis ? Je serais si heureux !… Oh ! simplement un prêt. Vous me rendriez ça.

Elle le regardait. Après un silence, elle répondit :

— Jamais ! c’est blessant… Que penserait-on, monsieur Octave ?

Son refus était si ferme, qu’il ne fut plus question d’argent. Mais sa colère semblait tombée. Elle respira fortement, se mouilla le visage ; et elle restait toute blanche, très calme, un peu lasse, avec de grands yeux résolus. Lui, devant elle, se sentait envahi de cette timidité d’amour, qu’il trouvait stupide en somme. Jamais il n’avait aimé si ardemment ; la force de son désir rendait gauches ses grâces de beau commis. Tout en continuant à conseiller une réconciliation, en phrases vagues, il raisonnait nettement au fond, il se