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LES ROUGON-MACQUART

comme pour se précipiter sur le pavé ; mais elle revint, le poussa à son tour vers la porte, le jeta dehors, en bégayant :

— Allez-vous-en, ou je fais un malheur !

Et, derrière son dos, elle mit bruyamment le verrou. Un instant, il écouta, hésitant. Puis, il se hâta de descendre au magasin, repris de terreur, en voyant luire dans l’ombre les yeux de Saturnin, que le bruit de la courte lutte avait fait sortir de la cuisine.

En bas, Octave qui vendait des foulards à une vieille dame, s’aperçut tout de suite du bouleversement de ses traits. Il le regardait, du coin de l’œil, marcher avec fièvre devant les comptoirs. Quand la cliente fut partie, le cœur d’Auguste déborda.

— Mon cher, elle devient folle, dit-il sans nommer sa femme. Elle s’est enfermée… Vous devriez me rendre le service de monter lui parler. Je crains un accident, ma parole d’honneur !

Le jeune homme affecta d’hésiter. C’était si délicat ! Enfin, il le fit par dévouement. En haut, il trouva Saturnin, planté à la porte de Berthe. Le fou, en entendant un bruit de pas, avait eu un grognement de menace. Mais, quand il reconnut le commis, sa figure s’éclaira.

— Ah ! oui, toi, murmura-t-il. Toi, c’est bon… Faut pas qu’elle pleure. Sois gentil, trouve des choses… Et tu sais, reste. Pas de danger. Je suis là. Si la bonne veut voir, je cogne.

Et il s’assit par terre, il garda la porte. Comme il tenait encore l’une des bottes de son beau-frère, il se mit à la faire reluire, pour occuper son temps.

Octave s’était décidé à frapper. Aucun bruit, pas de réponse. Alors, il se nomma. Tout de suite, le verrou fut tiré. Berthe le pria d’entrer, en entrebâillant la porte. Puis, elle la referma, remit le verrou d’un doigt irrité.