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LES ROUGON-MACQUART

l’escalier, c’était trop dangereux ; il fallait réfléchir, imaginer un moyen de descendre sans être aperçue. Mais elle, avec obstination, voulait s’en aller, simplement ; et elle revenait se buter contre la porte, qu’il défendait. Enfin, il songea à l’escalier de service. Rien de plus commode : elle rentrerait vivement par sa cuisine. Seulement, comme Marie Pichon, le matin, était toujours dans le couloir, l’idée vint au jeune homme de l’occuper, par prudence, pendant que l’autre s’échapperait. Il passa rapidement un pantalon et un paletot.

— Mon Dieu ! que c’est long ! balbutiait Berthe, qui souffrait maintenant dans cette chambre, comme dans un brasier.

Enfin, Octave sortit de son pas tranquille de tous les jours, et il fut surpris de trouver Saturnin installé chez Marie, la regardant tranquillement faire son ménage. Le fou aimait à se réfugier ainsi près d’elle comme autrefois, heureux de l’oubli où elle le laissait, certain de ne pas être bousculé. Du reste, il ne la gênait pas, elle le tolérait volontiers, bien qu’il manquât de conversation ; c’était une compagnie tout de même, et elle se mettait à chanter sa romance, d’une voix basse et mourante.

— Tiens ! vous êtes avec votre amoureux, dit Octave, en manœuvrant de façon à tenir la porte fermée, derrière son dos.

Marie devint pourpre. Oh ! ce pauvre monsieur Saturnin ! si c’était possible ! Lui qui avait l’air de souffrir, lorsqu’on lui touchait la main, par hasard ! Et le fou, d’ailleurs, se fâcha. Il ne voulait pas être amoureux, jamais, jamais ! Les gens qui diraient ce mensonge à sa sœur, auraient affaire à lui. Octave, étonné de sa brusque irritation, dut le calmer.

Pendant ce temps, Berthe se glissait dans l’escalier de service. Elle avait deux étages à descendre. Dès la