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LES ROUGON-MACQUART

l’heure seulement. Elle se mit à pleurer, elle accepta.

— Je trouverai toujours du monde, disait-il. Vous n’êtes plus assez forte, vous n’en faites pas pour deux sous.

Octave, en remontant un instant à sa chambre, se sentit rassuré. Au troisième, il rejoignit madame Juzeur qui rentrait. Tous les matins maintenant, elle était obligée de descendre à la recherche de Louise, égarée chez les fournisseurs.

— Comme vous passez fier, dit-elle avec son fin sourire. On voit bien qu’on vous gâte ailleurs.

Ce mot réveilla les inquiétudes du jeune homme. Il la suivit au fond de son salon, en affectant de plaisanter. Un seul des rideaux était entr’ouvert, les tapis et les portières assoupissaient encore ce jour d’alcôve ; et, dans cette pièce d’une mollesse d’édredon, les bruits du dehors mettaient à peine un bourdonnement. Elle l’avait fait asseoir près d’elle, sur le canapé bas et large. Mais, comme il ne lui prenait pas la main pour la baiser, elle demanda d’un air malicieux :

— Vous ne m’aimez donc plus ?

Il rougit, il protesta qu’il l’adorait. Alors, elle lui donna sa main d’elle-même, en retenant de petits rires ; et il dut la porter à ses lèvres, afin de détourner ses soupçons, si elle en avait. Mais, tout de suite, elle la retira.

— Non, non, vous avez beau vous exciter, ça ne vous fait pas plaisir… Oh ! je le sens, et d’ailleurs c’est si naturel !

Quoi ? que voulait-elle dire ? Il la saisit par la taille, il la pressa de questions. Mais elle ne répondait pas, elle s’abandonnait à son étreinte, en refusant de la tête. Pour la décider à parler, il la chatouilla.

— Dame ! finit-elle par murmurer, puisque vous en aimez une autre.