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POT-BOUILLE

Ici, M. Gourd eut un sursaut violent.

— Nous y voilà ! Entendez-vous, madame Gourd ? monsieur Mouret est aussi d’avis qu’elle a un amant. C’est clair, des choses comme ça ne poussent pas toutes seules… Eh bien ! monsieur, il y a deux mois que je la guette, et je n’ai pas encore aperçu l’ombre d’un homme. Faut-il qu’elle ait du vice ! Ah ! si je trouvais son particulier, comme je te le jetterais dehors ! Mais je ne le trouve pas, c’est ça qui me ronge.

— Il ne vient peut-être personne, hasarda Octave.

Le concierge le regarda, surpris.

— Ce ne serait pas naturel. Oh ! je m’entêterai, je le pincerai. J’ai encore six semaines, car je lui ai fait flanquer congé pour octobre… La voyez-vous accoucher ici ! Et, vous savez, monsieur Duveyrier a beau s’indigner en exigeant qu’elle aille faire ça dehors, je ne dors plus tranquille, car elle peut très bien nous jouer la mauvaise farce de ne pas attendre jusque-là… En somme, toutes ces catastrophes étaient évitées sans ce vieux grigou de père Vabre. Pour toucher cent trente francs de plus, et malgré mes conseils ! Le menuisier aurait dû lui suffire de leçon. Pas du tout, il a voulu louer à une piqueuse de bottines. Vas-y donc, pourris ta maison avec des ouvriers, loge du sale monde qui travaille !… Quand on a du peuple chez soi, monsieur, voilà ce qui vous pend au bout du nez !

Et, le bras tendu encore, il montrait le ventre de la jeune femme qui disparaissait difficilement dans l’escalier de service. Madame Gourd dut le calmer : il prenait trop à cœur la propreté de la maison, il se ferait du mal. Alors, la mère Pérou ayant osé manifester sa présence en toussant avec discrétion, il retomba sur elle, lui rabattit carrément le sou du quart d’heure qu’elle réclamait. Elle emportait enfin ses douze francs soixante, lorsqu’il lui offrit de la reprendre, mais à trois sous