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LES ROUGON-MACQUART

autre : ça ne finissait pas. Elle ne les agaçait guère cependant, leurs bêtises lui causaient si peu de plaisir, qu’elle restait sale exprès, afin de ne pas leur donner des idées. Ah ! ouiche ! ils s’enrageaient davantage, et continuellement c’était de l’ouvrage en plus. Elle en crevait, elle avait assez déjà de madame Josserand sur le dos, à vouloir qu’on lavât la cuisine chaque matin.

— Vous autres, bégayait-elle en sanglotant, vous dormez tant que vous voulez, après. Mais moi, faut que je trime… Non, il n’y a pas de justice ! Je suis trop malheureuse !

— Allons, dors ! je ne te tourmente pas, finit par dire Trublot, bonhomme, pris d’un apitoiement paternel. Va, il y en a, des femmes, qui voudraient être à ta place !… Puisqu’on t’aime, grosse bête, laisse-toi aimer !

Au jour, Octave s’endormit. Un grand silence s’était fait, la piqueuse de bottines elle-même ne râlait plus, comme morte, tenant son ventre à deux mains. Le soleil éclairait l’étroite fenêtre, lorsque la porte, en s’ouvrant, réveilla brusquement le jeune homme. C’était Berthe qui montait voir, poussée par un irrésistible besoin ; elle en avait d’abord écarté l’idée, puis elle s’était donné des prétextes, la nécessité de visiter la chambre, d’y remettre les choses en ordre, dans le cas où il aurait tout laissé à la débandade, de colère. D’ailleurs, elle croyait ne plus l’y trouver. Quand elle le vit se lever du petit lit de fer, blême, menaçant, elle resta saisie ; et elle écouta, la tête basse, ses reproches furieux. Il la pressait de répondre, de lui fournir au moins une excuse. Enfin, elle murmura :

— Au dernier moment, je n’ai pas pu. Ça manquait trop de délicatesse… Je vous aime, oh ! je vous le jure. Mais pas ici, pas ici !

Et, le voyant s’approcher, elle recula, avec la peur