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POt-BOUILLE

qu’il ne voulût profiter de l’occasion. Il en avait l’envie : huit heures sonnaient, les bonnes étaient toutes descendues, Trublot lui-même venait de partir. Alors, comme il cherchait à lui prendre les mains, en disant que lorsqu’on aime quelqu’un, on accepte tout, elle se plaignit d’être incommodée par l’odeur, elle entr’ouvrit la fenêtre. Mais il l’attirait de nouveau, il l’étourdissait de son tourment. Elle allait être obligée de céder, lorsqu’un flot boueux de gros mots monta de la cour des cuisines.

— Cochonne ! salope ! as-tu fini !… V’là encore ta lavette qui m’est tombée sur la tête.

Berthe, frémissante, s’était dégagée, en murmurant :

— Entends-tu ?… Oh ! non, pas ici, je t’en supplie ! J’aurais trop de honte… Entends-tu ces filles ? Elles me font froid partout. L’autre jour déjà, j’ai cru que je me trouverais mal… Non, laisse-moi, et je te promets, mardi prochain, dans ta chambre.

Les deux amants, n’osant plus bouger, debout, durent tout entendre.

— Montre-toi donc un peu, continuait Lisa furieuse, pour que je te la flanque par la gueule !

Alors, Adèle vint se pencher à la fenêtre de sa cuisine.

— En voilà une affaire pour un bout de chiffon ! Il n’a servi qu’à ma vaisselle d’hier, d’abord. Et puis, c’est tombé tout seul.

Elles firent la paix, et Lisa lui demanda ce qu’on avait mangé la veille, chez elle. Encore un ragoût ! Quels panés ! C’est elle qui se serait acheté des côtelettes, dans une boîte pareille ! Et elle poussait toujours Adèle à chiper le sucre, la viande, la bougie, histoire d’être libre, car elle, n’ayant jamais faim, laissait Victoire voler les Campardon, sans en prendre même sa part.