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LES ROUGON-MACQUART

— Oh ! dit Adèle qui se corrompait, j’ai caché, l’autre soir, des pommes de terre dans ma poche. Elles me brûlaient la cuisse. C’était bon, c’était bon !… Et, vous savez, j’aime le vinaigre, moi. Je m’en fiche, je bois à la burette, maintenant.

Mais Victoire s’accoudait à son tour, en achevant un verre de cassis trempé d’eau-de-vie, que Lisa lui payait de temps à autre, le matin, pour la récompenser de sa gentillesse à cacher ses escapades de nuit et de jour. Et, comme Louise leur tirait la langue, du fond de la cuisine de madame Juzeur, Victoire l’empoigna.

— Attends ! enfant de la borne, je vas te la fourrer quelque part, ta langue !

— Viens-y donc, vieille soûlarde ! dit la petite. Hier encore, je t’ai bien aperçue, quand tu rendais tout dans tes assiettes.

Du coup, le flot d’ordures battit de nouveau les murailles du trou empesté. Adèle elle-même, qui prenait le bagou de Paris, traitait Louise de morue, lorsque Lisa cria :

— Je la ferai taire, moi, si elle nous embête. Oui, oui, petite garce, j’avertirai Clémence. Elle t’arrangera… Quelle dégoûtation ! ça mouche déjà des hommes, quand ça aurait encore besoin d’être mouchée… Mais, chut ! voici l’homme. Un joli saligaud, lui aussi !

Hippolyte venait de paraître à la fenêtre des Duveyrier, cirant les bottes de monsieur. Les bonnes, malgré tout, lui firent des politesses, car il était de l’aristocratie, et il méprisait Lisa qui méprisait Adèle, avec plus de hauteur que les maîtres riches n’en montraient aux maîtres dans la gêne. On lui demanda des nouvelles de mademoiselle Clémence et de mademoiselle Julie. Mon Dieu ! elles s’embêtaient à crever, là-