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POT-BOUILLE

lorsque Campardon parut, très inquiet. Ce vacarme incompréhensible venait de les déranger, Gasparine et lui, dans leur lit étroit. Il avait simplement passé un caleçon, sa grosse face bouffie et en sueur, sa barbe jaune aplatie, toute pleine du duvet blanc de l’oreiller. Essoufflé, il tâchait de reprendre son aplomb de mari qui couche seul.

— Est-ce vous, Lisa ? cria-t-il du salon. C’est stupide ! comment êtes-vous dans l’appartement ?

— J’ai eu peur de n’avoir pas bien fermé la porte, monsieur ; ça m’empêchait de dormir, et je suis redescendue m’assurer… Mais c’est madame…

L’architecte, en voyant Berthe en chemise, contre le mur de son antichambre, resta pétrifié à son tour. Il eut, pour lui, un mouvement de pudeur, qui lui fit tâter de la main si son caleçon était bien boutonné. Berthe oubliait qu’elle était nue. Elle répéta :

— Oh ! monsieur, gardez-moi chez vous… Il veut me tuer.

— Qui donc ? demanda-t-il.

— Mon mari.

Mais, derrière l’architecte, la cousine arrivait. Elle avait pris le temps de mettre une robe ; et, dépeignée, pleine de duvet elle aussi, la gorge plate et flottante, les os perçant l’étoffe, elle apportait la rancune de son plaisir troublé. La vue de la jeune femme, de sa nudité grasse et délicate, acheva de la jeter hors d’elle. Elle demanda :

— Que lui avez-vous donc fait, à votre mari ?

Alors, devant cette simple question, une grande honte bouleversa Berthe. Elle se vit nue, un flot de sang l’empourpra de la tête aux pieds. Dans ce long frémissement de pudeur, comme pour échapper aux regards, elle croisa les bras sur sa gorge. Et elle balbutiait :

— Il m’a trouvée… il m’a surprise…